Paru le 26/04/2017

La poésie n’est au service de rien, rien n’est à son service. Elle ne donne pas d’ordre et elle n’en reçoit pas. Elle ne résiste pas, elle existe -- c’est ainsi qu’elle s’oppose, ou mieux : qu’elle s’appose et signale tout ce qui est contraire à la dignité, à la décence. À tout ce qui est contraire aux beautés relationnelles du vivant. Quand un inacceptable surgissait quelque part, Edouard Glissant m’appelait pour me dire : « On ne peut pas laisser passer cela ! » Il appuyait sur le « on ne peut pas ». C’était pour moi toujours étrange. Nous ne disposions d’aucun pouvoir. Nous n’étions reliés à aucune puissance. Nous n’avions que la ferveur de nos indignations. C’est pourtant sur cette fragilité, pour le moins tremblante, qu’il fondait son droit et son devoir d’intervention. Il se réclamait de cette instance où se tiennent les poètes et les beaux êtres humains. Je ne suis pas poète, mais, face à la situation faite aux migrants sur toutes les rives du monde, j’ai imaginé qu’Edouard Glissant m’avait appelé, comme m’ont appelé quelques amies très vigilantes. Cette déclaration ne saurait agir sur la barbarie des frontières et sur les crimes qui s’y commettent. Elle ne sert qu’à esquisser en nous la voie d’un autre imaginaire du monde. Ce n’est pas grand-chose. C’est juste une lueur destinée aux hygiènes de l’esprit. Peut-être, une de ces lucioles pour la moindre desquelles Pier Paolo Pasolini aurait donné sa vie.

Patrick CHAMOISEAU

Littérature française
Romans
Collection : Cadre rouge
Format : Broché
Pages : 144
EAN : 9782021365290 12.00 € TTC
Disponible en version numérique
Format : E-Pub
5.99 € TTC
EAN : 9782021365306

Les avis de lecture...

Le Monde Des Livres Gladys Marivat

Frères migrants

Dans Frères migrants, l'écrivain évoque avec force le drame des réfugiés en Europe.
Les Inrockuptibles Yann Perreau

Frères migrants

Essai poétique, manifeste et cri du coeur, un livre qui s'empare de la "catastrophe de notre époque".
Le Canard enchaîné Emilien Bernard

Frères migrants

Un livre confit de générosité et de rage assumée.
Les Inrockuptibles Yann Perreau

Frères migrants

Frères migrants fait partie des livres qui s'imposent d'eux-mêmes.
L'Humanité Muriel Steinmetz

Frères migrants

Un essai fulgurant de poésie, plaidoyer pour un esprit de "mondialité".
L'Obs Marie Lemonnier

Frères migrants

Un hymne à l'hospitalité et à la tolérance. Un manifeste poétique et politique, un grondement contre "l'assombrissement du monde".
Librairie des Danaïdes, Aix-les-Bains MARION HANRIOT

Frères migrants

Dans un très beau livre aussi poétique que politique, Patrick Chamoiseau nous invite à nous réveiller. Une « lance d’alerte » à notre humanité morbide. Pour Patrick Chamoiseau, ce qui se joue dans le drame des migrants est un risque pour l’humanité. Non pas parce que le nombre de corps repêchés dans la Méditerranée est un drame humanitaire au sens numéraire, mais parce qu’à chaque homme, femme, enfant, qui meurt en mer, c’est une part du monde des possibles qui n’adviendra pas. Notre monde est devenu un grand magasin de « prêt-à-porter d’une précarité légalisée obligatoire ». Et le poète l’affirme, la barbarie aujourd’hui n’est pas dans la menace de l’étranger, elle est devenue un des piliers de notre système mondialisé, où l’argent, le toujours plus d’argent, de biens, de services est l’unique moteur de la ronde humaine, et autorise tous les comportements. C’est pourquoi il évoque le concept de mondialité (versus mondialisation), élaboré par Édouard Glissant : la mondialité « c’est l’inattendu humain » avec la conviction que « rien ne s’est fondé dans l’immobile et dans le fixe. » À la lumière de cette réflexion profonde, l’axe de la menace s’inverse, ce n’est pas l’Autre qui met notre vie en danger, mais nous-mêmes, car rejeter l’autre, c’est céder à la peur mortifère, au rejet de la vie. Ne l’oublions pas, « Il y a du Trump en chacun de nous. »