Les anciens Grecs de Thessalie vénéraient sous le nom d'Askalapios un dieu à la fois destructeur et guérisseur : le dieu-taupe. Souvent tenu pour le fils d'Apollon, ce dieu-zigzag, ce dieu vorace qui dégage sa propre lumière, ce dieu-nombril, était en fait Apollon lui-même.
Dieu-taupe (ou rat, lézard, hibou) et dieu-soleil, voici réunie en un seul mythe notre double appartenance : dessus-dessous. L'une sacrée, publique, cotée ; l'autre secrète, dissimulée, «honteuse».
Mais ce qui se passe sous terre, n'est-ce pas aussi notre soleil ? Les enfants n'imaginent-ils pas que, sous le sol qu'ils foulent, s'ils creusent, c'est le ciel ? Si nous acceptons de pénétrer dans nos dessous, si nous refusons l'exaltation (intéressée, rassurante, mystifiante) des surfaces, n'allons-nous pas découvrir le monde réel qu'on nous cache ?
Il suffit qu'un homme entre dans une femme et se perde dans le couloir labyrinthique qu'il creuse devant lui, en lui ; qu'une petite fille s'engage dans sa maladie comme dans un palais en folie pour inventorier un autre espace, un autre corps ; que nous suivions le travail du laboureur ouvrant les terres, et sans chercher à recouvrir ce travail à coups de «poésie» ; il suffit même qu'un homme mange, en osant descendre jusqu'au fond de sa nourriture, pour qu'il se sente tout retourné, à vif.
Quelquefois il faut se faire taupe pour écrire.
D. O.
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