Qu’y a-t-il dans la parole de tellement redoutable que, si souvent, l’homme choisit de l’accepter pour la faire bavarder plutôt que de la faire parler ?
Une certaine épreuve à laquelle il peut vouloir se soustraire : que découvre-t-il, en effet, à l’instant où il recueille cette parole qui lui a, semble-t-il, été donnée gratuitement ? Que cette parole, avec laquelle il croyait innocemment parler, se met à lui poser cette question sidérante qui l’arrache à toute innocence possible : « Es-tu justifié de parler ? »
L’homme se soustraira-t-il à cette question en se réfugiant dans la normalité – quitte à payer cette fuite par un symptôme – ou la prendra-t-il en charge en lui répondant par une métaphore créatrice : si sa réponse fait entendre ce qu’il a d’inouïe elle sera musique, si elle fait voir ce qu’il a d’invisible elle sera peinture, si elle montre ce qu’il a d’immatériel elle sera danse.
Pourquoi la production d’un tel instant créateur est-elle si difficile ? Le sujet aussitôt questionné par l’appel sidérant à devenir, reçoit dans le même temps une étrange injonction – celle du Surmoi – à demeurer immobile sous la fixité du mauvais œil.
La question de cette division entre le commandement sidérant et l’injonction surmoïque a été, entre Lacan et l’auteur, l’objet d’un dialogue privé que Lacan a rendu public dans ses derniers Séminaires.
Alain Didier-Weill, psychanalyste et dramaturge, co-dirige la revue Insistance chez Érès et a publié, notamment, Invocations, Quartier Lacan, Lila et la lumière de Vermeer, Mémoires de Satan et Vienne 1913.
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