Haussmann m'empêche de dormir

« J’appelle "Haussmann" cette méthode par laquelle la bourgeoisie, pour résoudre la question du logement à sa manière, la résout de telle sorte que la solution engendre toujours à nouveau la question du logement à sa manière, la résout de telle sorte que la solution engendre toujours à nouveau la question. » Friedrich Engels.

Quant à nous, Marcus, moi, savions-nous encore appeler les choses par leur nom ? Par exemple, nous avions décidé de déjeuner ensemble, après quoi nous irions travailler, lui dans son cabinet d’architecte, moi aux Éditions. Eh bien, nous n’avions pas vraiment déjeuné, pas travaillé du tout. Nous avions bu, parlé, prétendre refaire le monde. Naturellement, c’est le monde qui nous avait refaits. Y avait-il encore une place, en cette ville de Paris, tracée au cordeau sous l’empire d’un État second, pour deux pauvres hères tels que nous, bientôt en proie à une déambulation effrénée ? Les trouées de M. le Préfet dans la Capitale se prolongeaient dans notre tête, rectilignes, en même temps qu’elles s’étendaient aux autres villes du monde, à leurs « barbanlieues », et jusque dans les profondeurs de l’ « arkhampagne». Les grands travaux du siècle dernier quadrillaient désormais la planète et ses habitants d’un réseau de communication ouvert aux seuls courants d’air.

C’est donc en somnambules que nous marcherions, Marcus, moi, dans paris nécropole du XXIe siècle. Et notre course immobile s’achèverait sur le Boulevard des boulevards… en impasse à perte de vue.