Le monde contemporain est saturé d’images, d’informations, de fictions. Tout s’expose, selon la logique du capitalisme attentionnel. Le hors-champ échappe à ce flux et ce diktat de visibilité : il est ce que l’image ne montre pas mais vers lequel elle fait signe grâce à une série d’indices visuels, sonores ou narratifs. Il n’est donc ni un manque ni une marge mais un élément essentiel de tout dispositif de représentation du réel.
Transposé des arts visuels au domaine de l’écriture, le hors-champ déploie sa puissance esthétique comme politique. Il est un lieu dans lequel se trament des ellipses et des silences mais aussi d’autres manières de dire et donner à voir. Là s’affirme une poétique du récit, épousant les fantômes et chaos de l’Histoire. Figuration paradoxale de l’irreprésentable, le hors-champ n’est pas uniquement une résistance à la surproduction culturelle et médiatique mais bien un révélateur. Il est une « absence actualisable », affirmant que « représenter est tout sauf montrer ».
Abordant aussi bien des œuvres visuelles (Michelangelo Antonioni, Sophie Calle, Jean-Luc Godard, Alice Guy, Bill Viola...) que littéraires (Georges Perec, Assia Djebar, Italo Calvino, Svetlana Alexievitch, Arno Schmidt…), Marie Kondrat fait d’une notion d’abord cinématographique un puissant outil de réflexion critique sur le monde contemporain.