L'idée des « paysages originels » m'est venue à l'improviste : j'avais, dans un roman ( Méroé ), écrit une phrase où il était question des paysages de l'enfance que, sa vie durant, on ne quittera jamais complètement – quelque chose comme ça. Je dois reconnaître que, lorsque j'écrivais cette phrase, je n'étais pas tout à fait certain qu'elle eût un sens précis, dont je pusse répondre. C'était, plutôt qu'une idée, un rythme demi-inconscient qui me poussait (je sais bien lequel : celui d'un passage de Paulina 1880, le roman de Pierre-Jean Jouve, où il est question – je cite de mémoire – de cette « unique première vision du corps, et aussi de l'âme, du corps animé, qui ne s'effacera jamais plus, et même pas dans l'au-delà de la mort » : rien à voir avec mon propos du moment, donc. Cette façon un peu somnambulique d'écrire, cela arrive. Il ne faut pas en abuser, mais enfin cela arrive.) Cependant, il me parut à la réflexion qu'il y avait bien, dans cette phrase qui m'avait presque échappé, un soupçon de vérité, et même d'une vérité qui pût s'appliquer à la littérature : les lieux des années d'apprentissage devaient émettre, à travers toute l'oeuvre d'un écrivain (et bien au-delà de leur image explicite), quelque chose de comparable à ce qu'on nomme je crois, en astrophysique, un « rayonnement fossile » : une sorte de signature de l'origine.
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