Ce numéro s’intéresse à la condition d’absent-e, en tant qu’elle est reliée à la notion de non-personne, pour comprendre les défis que posent des phénomènes tels que les formes de marginalisation et d’exclusion sociales, le rapport aux morts, à la perte et aux deuils, et les réponses qui y sont apportées.
Fondé sur une perspective interdisciplinaire et cumulative, il est centré sur les acteurs, aussi bien ceux qui produisent ou vivent l’absence des autres, que ceux dont la condition ou le statut d’absent-e définit l’existence. Pourquoi et comment devient-on un-e absent-e ? De quelle manière des individus sont-ils rendus progressivement absents, tout en continuant à exister, en maintenant autrement une présence, que ce soit en dehors ou, au contraire, dans le cadre d’une coprésence physique ? Quelles sont les pratiques à l’origine de cette permanence ? Comment cette condition et ce statut sont-ils socialement produits et quels sont leurs effets sur les personnes, celles qu’ils désignent comme celles qui les entourent ?
Partant des travaux existants sur l’absence, les contributions réunies ici se détachent de cette notion pour réfléchir précisément, à la lumière de matériaux empiriques, à la manière dont, en fonction de contextes sociaux spécifiques, les individus deviennent des absents, en réintégrant la dimension à la fois processuelle et relationnelle de la production de cette condition extrêmement hétérogène. Il s’agit de comprendre comment ce statut pèse sur des catégories spécifiques de personnes, transformées en non-personnes et/ou perçues comme telles, marginalisées ou exclues, ainsi que les positions morales, juridiques, religieuses et sociales qui sous-tendent cette transformation. On tentera aussi de saisir comment une telle condition constitue ou consolide potentiellement des formes d’affiliation ou de désaffiliation, d’appartenance et de rupture d’appartenance, c’est-à-dire les effets concrets de cette condition sur l’ensemble des individus qu’elle impacte, à la fois ceux qui sont directement concernés et leurs proches. L’ethnographie permet ici de mieux appréhender la définition des non-personnes, dans des contextes socio-historiques différents et de questionner la frontière, tant spatiale et matérielle que sociale et temporelle – entre présents-es et absents-es.