La Polynésie se décline en un poudroiement d’îles, atolls et archipels, sur des milliers de kilomètres, mais en fin de compte un ensemble de terres émergées assez réduit : toutes réunies, elles ne feraient pas même la surface de la Corse. Et ce territoire, c’est le Fenua.
Comme toujours chez Deville, le roman foisonne d’histoires, de rencontres et de voyages. On déambule, on rêve. On découvre les conflits impérialistes et coloniaux qui opposèrent la France et l’Angleterre, on croise Bougainville, Stevenson, Melville, puis Pierre Loti sur les traces de son frère Gustave, ou Victor Segalen et Gauguin, le peintre qui a fixé notre imaginaire de cette partie du monde, entre douceur lascive et sauvagerie. Des îles merveilleuses qui deviendront, vers le milieu du xxe siècle, le terrain privilégié d’essais nucléaires dont le plus sûr effet aura peut-être été de susciter un désir d’indépendance…
Lire Patrick Deville, c’est comme s’asseoir dans un fauteuil club pour accomplir un voyage à la fois très attendu et très surprenant, mené de main de maître. L’auteur s’acquitte avec une puissante majesté toute flaubertienne des temps du passé (« De hauts vaisseaux bariolés couraient sur les mers »), qu’il tresse avec le présent de l’indicatif, voire le futur simple, histoire de nous harponner.
On est sous le charme de cet essai qui se lit comme un roman tant les personnages sont inspirants. Vous y croiserez l'empereur déchu Hàm Nghi mais aussi Melville, Loti, Gauguin et Brel. Une perle.
Le récit, souvent au présent, est servi par une écriture d’une grande élégance, frottée à la littérature mondiale.
En lisant Patrick Deville, on retrouve l'enfant passionné par les récits de flibustiers et de pirates qui n'a lâché aucun de ses rêves.
Patrick Deville arpente avec bonheur le temps et l'espace, sans rien ignorer des problèmes et des incertitudes de ce paradis qui est aussi le pays de Mururoa.